Loi sur la transition de genre
Cela fait maintenant plusieurs années (2018) qu’une loi très importante pour les personnes transgenres a été adoptée : la dépsychiatrisation de la transition (lien de la loi). En effet, depuis ce changement de la loi, les personnes transgenres ne sont plus obligées d’avoir recours à un suivi psychiatrique afin de commencer ou poursuivre leur transition. Pour rappel, avant 2018, les personnes qui désiraient effectuer une transition dite « administrative » (changer de genre et de prénom sur leur carte d’identité) devaient passer par la case psychiatrie (et être déclarées comme « atteintes d’un trouble psychiatrique », comme la dysphorie de genre par exemple) et par des procédures médicales invasives (la stérilisation par exemple). (lien RTBF).
Jusque 2018, il était ainsi nécessaire pour une personne transgenre d’être suivie par un professionnel de la santé mentale. Celui-ci devait attester que la personne pouvait (ou non) réaliser les démarches nécessaires à sa transition, en se basant sur les critères de santé mentale décris dans le DSM. Par exemple, la personne devait présenter une dysphorie de genre marquée et une incapacité de voir son état s’améliorer sans réaliser une transition. D’autres diagnostics peuvent accompagner cette dysphorie : dépression grave ou psychose par exemple. Dans le meilleur des cas, cela revenait à une pathologisation pure et simple dans le sens où la personne était tributaire de la décision du médecin uniquement. Elle devait accepter d’être considérée comme « malade mentale » pour avoir accès au parcours de transition. Son désir de faire une transition devait donc être « approuvé » par le milieu médical, et la personne n’était pas réellement libre de s’autodéterminer et de suivre son cheminement personnel. Dans le pire des cas, la personne devait se soumettre à des exigences médicales arbitraires afin d’obtenir un rapport favorable l’autorisant à entamer sa transition : obligation de se maquiller ou de s’habiller pour « correspondre » à l’autre genre, de la manière prescrite par le corps médical, afin de gagner l’accès à un traitement hormonal, rester parfois plusieurs années dans ces étapes avant d’avoir accès à une chirurgie, etc… La volonté du corps médical était de s’assurer que la personne était bien certaine de son choix.
Cette préoccupation peut sembler légitime mais à l’époque, il n’y avait qu’une bonne manière de faire une transition : celle imposée par les médecins. Il n’y avait pas de place pour la sensibilité de la personne. Cette situation n’était pas seulement pathologisante, mais également infantilisante, débilitante et irrespectueuse de la singularité de chaque être humain. Cela créait une nette césure entre ceux « qui vont bien » et qui n’ont pas de difficultés avec leur identité de genre et ceux « qui ne vont pas bien » et que l’on doit protéger de leurs difficultés et/ou d’un choix qu’ils pourraient regretter. Comme si ces derniers n’étaient à priori pas capables de savoir ce qui est bon pour eux. On peut y voir une similitude avec les parents ultra protecteurs qui empêchent leurs enfants de se construire en faisant leurs expériences propres, en leur faisant confiance et en leur permettant de s’élaborer à leur rythme. N’oublions pas que nous parlons d’êtres humains qui ont des besoins et des valeurs. Ces injonctions médicales niaient le vécu de la personne. L’application de cette nouvelle loi depuis 2018 change complètement le regard que la société pose sur les transidentités. Grâce à elle, les personnes désireuses d’entreprendre une transition peuvent le faire à leur rythme, consulter les ressources qu’elles désirent, et n’ont plus à obéir à des injonctions avec lesquelles elles sont le plus souvent en désaccord. Il y a néanmoins un revers à cette médaille. Pour certaines personnes, suivre des directives leur permettait de savoir comment faire une transition et par quelles étapes passer pour atteindre leur objectif. De plus, actuellement, certains médecins ne sont pas au courant de cette nouvelle loi et exigent encore des rapports psychiatriques pour commencer un suivi hormonal ou effectuer une intervention chirurgicale, par exemple. Parfois aussi, le médecin est au courant de cette loi mais il demande quand même un rapport. Cela pourrait être perçu comme une envie de se déresponsabiliser si quelque chose ne se passait pas comme prévu (par exemple, une envie de revenir en arrière, ou une difficulté psychologique qui pourrait être exacerbée par la prise d’hormones). En effet, le professionnel qui émet un rapport (psychologue, psychiatre, endocrinologue, etc…) engage sa responsabilité dans le processus de transition alors que seule celle du médecin est pertinente pour la prescription d’hormones ou une opération, par exemple. Je me permets de préciser que le psychologue n’est déontologiquement pas à même de fournir un rapport médical, seuls les psychologues experts ou les psychiatres peuvent le faire.
Quelles sont les implications concrètes de cette loi ? Si vous désirez entamer une transition, vous avez la liberté de la commencer quand vous le voulez (un cadre légal (cfr loi belge ci-dessus) est prévu pour les personnes mineures), au rythme que vous voulez et de consulter les professionnels de votre choix. Cette loi permet une plus grande autonomie et l’appropriation du « point de confort ». L’ASBL « Genres Pluriels » définit le « point de confort » comme :
*"L’ensemble des caractéristiques mentales, comportementales, vestimentaires ou corporelles qui favorisent le sentiment de bien-être par rapport à son identité de genre. Il peut s’agir par exemple d’avoir (ou pas) une démarche différente, de changer (ou pas) de garde-robe, de prendre (ou pas) des hormones, d’avoir recours (ou pas) à des opérations chirurgicales… On peut se sentir femme et préférer porter des vêtements masculins et une barbe. On peut se sentir non-binaire et vouloir procéder à une torsoplastie. Le point de confort est choisi librement, et toutes les méthodes pour l’atteindre sont légitimes. Il n’y a pas de parcours obligatoire."
La personne désireuse de faire une transition n’est plus obligée (mais peut si elle le souhaite) de consulter un professionnel de la santé mentale pour changer de prénom et de genre sur sa carte d’identité. La procédure est expliquée dans l’article du SPF ci-dessus. Cela veut dire également que n’importe qui, sans nécessité d’un rapport psychiatrique, peut se « genrer » comme bon lui semble : c’est le principe de l’autodétermination. La personne peut dès lors faire une demande de changement de genre sur sa carte d’identité, sans avoir besoin d’un avis médical. Elle peut également demander un traitement hormonal ainsi qu’une (ou des) intervention chirurgicale sans avoir à justifier un quelconque état de santé mentale. Si un médecin venait à demander un rapport psychiatrique à une personne désireuse de faire une transition, elle peut refuser et s’adresser à un autre professionnel de la santé si elle le désire.
Malgré tout cela, disposer d’un avis médical reste important dans certaines situations. En effet, la prise d’hormone n’est pas quelque chose d’anodin. Il existe toutes sortes de situations dans lesquelles la prise d’hormones peut se révéler difficile ou impossible (en cas de dépression sévère, de trouble mental lourd, etc…). Il ne faut pas oublier également que la prise d’hormones peut comporter certains risques et donc nécessite un monitoring médical (risque de surdosage ou sousdosage, insuffisance cardiaque, cancer hormonodépendant, etc…), notamment par sa probabilité de déclencher des maladies. Au niveau du traitement hormonal, les seules personnes qui peuvent conseiller et accompagner les personnes en transition restent donc les médecins.
En conclusion, ce changement de cadre légal permet aux personnes désireuses de faire une transition de ne pas se plier à toutes les exigences médicales si celles-ci ne leur conviennent pas. Pour rappel, une personne en demande de soin a toujours le droit de choisir son thérapeute (lien droit patient). Il est alors nécessaire que la personne désireuse d’avoir recours à des hormones ou des interventions chirurgicales puisse trouver un praticien en qui elle peut avoir confiance. Pour que cette confiance se crée, il est important que l’écoute mutuelle, la compréhension et la discussion soient les fondements du cadre thérapeutique.